Mode

Publié le par Bidou

En ces périodes de soldes[1], un mot de la mode, au féminin car le mot existe aussi au masculin avec un autre sens. Voilà un concept qui pousse à la consommation. Il faut être à la mode, et pour cela jeter des vêtements encore en très état. Ce renouvellement accéléré des garde-robes n’est pas très durable, sauf si ce n’est qu’une manière de démarrer la vie d’un habit, qui va, après une époque flamboyante où il est à la mode, passer sur d’autres épaules et alimenter une filière de récupération. C’est le cycle de vie du vêtement qui compte, avec tous les usages successifs qu’il va avoir avant sa fin de vie. Que devient-il alors, ses éléments sont-ils récupérés et intégrés dans de nouveaux produits, ou bien vont-ils polluer des paysages ou des milieux naturels ? La mode est un accélérateur de la consommation, ce qui mérite un examen particulier sous un regard critique,  mais elle provoque aussi du plaisir, et il serait bien méchant de la condamner sans aller voir plus loin quel est son véritable bilan environnemental et social. Ce bilan sera sans doute l’occasion de s’interroger sur la durée de vie normale[2] des biens de consommation courante mis sur le marché, sur les matières premières nécessaires, sur la toxicité éventuelle de certains composants,  et en définitive de manifester une exigence sur les produits eux-mêmes. La mode ne concerne pas que les vêtements, et touche d’autres biens sensibles pour l’environnement, comme les téléphones portables. La mode, oui, mais par pour des produits nocifs, trop gourmands, ou trop pénalisant pour l’environnement ou les personnels qui les fabriquent.

La question de la mode se pose aussi sur le concept même de développement durable. Ce serait, diront certains, une mode, passagère comme toutes les modes. Politiquement correct pourrait-on dire, d’une autre manière. Nous savons bien que ce n’est pas vrai, que le développement durable bouscule l’ordre établi, qu’il n’est pas éphémère et qu’il va marquer profondément le 21e siècle. Mais pourquoi refuser les bénéfices d’un phénomène de mode ? La mode est une vague porteuse de comportements nouveaux. Ceux-ci sont en général de courte durée, mais ils peuvent suffire à entraîner certaines modifications dans la perception des choses et dans les comportements. Un phénomène passager peut avoir des suites durables. La mode du développement durable va permettre d’en parler abondamment, dans les supports très variés, de toucher des catégories de personnes en dehors des circuits traditionnels de la communication sociale, économique ou environnementale. Cet afflux est attendu, mais il est vrai que sa soudaineté, et la conversion trop rapide de faiseurs de modes peut constituer un danger. Surfer sur la mode est un art délicat, mais si on le maîtrise, il peut accélérer la nécessaire prise de conscience, populariser le sujet, et diffuser de bonnes idées pratiques pour responsabiliser nos concitoyens. La dérive[3] du gadget est bien connue, et il faut bien sûr la combattre, mais faut-il pour autant abandonner les facilités qu’offre une mode, bien pilotée ?

Les modes, nous en avons besoins pour diffuser des comportements nouveaux. Jusqu’à présent, elles ont plutôt joué à l’encontre du développement durable, et pourquoi nous n’essaierions-nous pas de les exploiter à son profit ?

Il va falloir manger moins de viande, qui occupe trop de surface[4] pour nous nourrir, par rapport à des végétaux. Il va falloir manger des produits de saison, et les cuisiner sans consommer trop d’énergie. C’est donc une nouvelle culture alimentaire qu’il faut créer et promouvoir, et ce n’est pas rien au pays de Gargantua, des milliers de fromages, et du Charolais (ou autres limousins, salers, etc.). La mode peut être le vecteur de diffusion de cette nouvelle culture, avec des vedettes que chacun s’efforcera d’imiter, de copier. On le voit aujourd’hui sur nos murs, au profit de la sécurité routière. Le développement durable a besoin que les comportements vertueux soient valorisants, que chacun d’entre nous y trouve un profit à engranger pour son image et son statut social. L’heure de la mobilisation de la mode a sonné !


Prochaine chronique : Europe

[1] Soldes, chronique du 17/01/2008

[2] Normal, chronique du 29/08/2006 et n°47 dans Coup de shampoing sur le développement durable, Ibispress, 2007.

[3] Dérive, chronique du 22/05/2008

 

[4] Surface, chronique du 15/11/2007

 

Publié dans developpement-durable

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