Volume

Publié le par Bidou

Un mot qui intéressera les architectes, qui savent voir en 3 dimensions, et bénéficient à ce titre d’un avantage pour comprendre et mettre en pratique le développement durable : dépasser les visions linéaires, ou les simples approches croisées n’est pas chose innée, et l’habitude de travailler sur les volumes est un apprentissage naturel du développement durable.

Le volume a toutefois pris un mauvais sens. Au lieu de symboliser la complexité, l’épaisseur des choses, il est devenu une enveloppe qui ramasse tout, et où l’on ne distingue plus l’utile et le nuisible. Le produit intérieur brut, le fameux PIB, en est une illustration frappante. Il représente le volume de l’activité d’un pays. Est-ce vraiment cela qui nous intéresse ?

Cette vision globale a le mérite de la simplicité. Un seul chiffre, et tout est dit sur la santé économique d’un pays. Cette simplicité lui donne une puissance extraordinaire, seule explication à son succès. L’activité comme unique objectif de la société conduit à l’activité pour elle-même, aux trous sans cesse creusés et rebouchés du sapeur Camembert. On pourrait prolonger cette réflexion avec des mots comme agitation, ou encore activisme. Le volume de l’activité ne parle pas de service rendu, de la bonne adéquation aux besoins exprimés par une société ; elle ignore les prélèvements de ressources et les apports gratuits de la nature, pourtant considérables[1]. Les limites du PIB sont admises de la plupart des économistes, mais son attraction est trop forte : on y retombe toujours. Et pourtant, chacun sait qu’on y mélange le bien et le mal, que les marées noires et les accidents de la route contribuent à le faire grimper, que les tensions sur le prix d’un bien de consommation courante l’affectent immédiatement sans référence à la satisfaction des besoins. Dans une comptabilité, il y a en général deux colonnes, les dépenses et les recettes, ce qui permet d’analyser leurs relation et d’expliquer comment les premières produisent les secondes. C’est le bilan qui compte, qui traduit l’efficacité d’une communauté, pays ou entreprise. Le PIB se cantonne à la colonne des recettes, sans référence à des dépenses telles que les coûts humains en accidents, conditions de vie dégradées ou précaires, ou aux dépenses en ressources, consommation du flux de richesse produites chaque année par la nature, ou encore du stock de matières non renouvelables ou du capital biologique de la planète. Ces autres données font l’objet d’une autre comptabilité, et sont l’objet de règlements, de mesures de protection des hommes et des milieux, qui peuvent affecter le volume de l’activité. La croissance, mesurée à travers le PIB, est sensiblement plus importante si on ne déduit pas les dépenses physiques, sociales et environnementales. Les économies non régulées apparaissent ainsi mieux portantes, mais n’est-ce pas une simple conséquence de l’absence d’un véritable bilan ? Une dérégulation maladroite ne donne-telle pas une illusion de croissance ? Les règlements humains ne sont pas immuables, et il faut savoir les faire évoluer, mais il ne faut pas oublier pour autant qu’ils traduisent des valeurs ou des contraintes physiques qu’il ne faut pas abandonner sans en avoir évalué le coût. Le développement durable, c’est la vérité des prix, tout compris.

La mesure de la bonne santé économique par le simple volume d’activité témoigne d’une vision expansionniste. Point de salut hors d’une augmentation de ce volume, même si pour y parvenir il faut aller toujours plus loin prélever de nouvelles ressources, humaines ou naturelles. L’efficacité, le rendement de ces ressources, est moins important que le volume de la production. Tant que les ressources sont abondantes, pas de problème. Aujourd’hui, de plus en plus de ressources sont limitées, et les besoins augmentant avec l’aspiration légitime de milliards d’êtres humains à une plus grande dignité, il va bien falloir s’intéresser au bilan véritable, à l’efficacité des dépenses. Il va falloir rentrer dans le volume, voir comment ça fonctionne pour améliorer le rendement de la machine.

Le PIB n’est pas le bonheur national brut, le volume d’activité ne peut traduire à lui seul la bonne santé économique d’un pays. De même, le volume de travail ne peut être isolé de son utilité sociale. Bien formuler une question peut faire gagner beaucoup de temps pour y répondre, et sera bien plus efficace que de foncer tête baissée sur la première piste entr’aperçue. Travailler plus n’est pas synonyme de produire plus de richesses nettes, déduction faite des ressources consommées. Ça peut parfois être le contraire, quand on détruit un capital pour en tirer un bénéfice immédiat, comme nous le rappelle la triste histoire de la poule aux œufs d’or. Là encore, c’est le bilan qui doit être déterminant, et non le seul volume. La nature du travail, son impact sur le travail des autres, sur la productivité des milieux, sont autant de paramètres à intégrer, et qui vont bien au-delà du simple volume. La qualité produit de la valeur, elle exige du travail humain, mais elle dépend aussi de son organisation, des compétences accumulées, des relations entre les acteurs d’une même opération. Un investissement en temps au début d’un projet, peut faire gagner à tout le monde beaucoup de temps par la suite. Respecter le travail et la valeur humaine qu’il représente, c’est s’intéresser avant tout à son utilité sociale aussi bien pour celui qui le fournit que pour celui qui en bénéficie.

Le volume et ses trois dimensions offrent de belles perspectives, mais il faut bien dire qu’elles sont souvent dévoyées. Il faut cultiver la complexité du volume, entrer dans sa profondeur, en analyser les formes. Nous avons vu l’importance de la surface[2] des choses, aux fonctions multiples à exploiter. Travailler sur le volume est encore plus riche, à condition de rentrer dedans.

Prochaine chronique : Achat



[1] Voir la chronique Gratuit, du 30/04/2007

 

[2] Surface, chronique du 15/11/2007

 

Publié dans developpement-durable

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P
Il est vrai que les intérêts financiers priment souvent au détriment de l’humain. Malheureusement le nombre de personnes qui trinquent est bien plus important que celui à qui cela rapporte.Pour revenir au volume, nous tous, nous n’avons pas la même densité, le même poids, le même pouvoir.Petites réflexions sur le volume Le volume c’est le contenant et le contenu, l’image et l’usage, le créateur et l’utilisateur, l’investisseur et le gestionnaire ; ces couples devraient être sur la même longueur d’onde, mais leurs intérêts sont différents et leur problématique dans le temps n’est pas sur la même échelle de durée. Le développement durable doit être le vecteur qui  permet une meilleur prise en considération des aspirations des acteurs de la naissance et de la vie de ce volume.
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