Exception
Il ne faut pas en déduire un éloge de la perturbation, qui, outre les dégâts qu’elle provoque sur le moment, entraîne souvent des crises de confiance et des régressions bien dommageables pour l’environnement l’économie et la vie sociale. Quand elle a lieu, et bien sûr sans porter de jugement sur sa signification et sa légitimité, il serait dommage de ne pas en profiter pour en tirer des enseignements, et des sous-produits favorables. L’exception peut aussi être organisée. Les semaines des transports publics, les journées sans voiture, sont des exemples de mobilisation de l’intelligence et de démonstration que d’autres solutions sont possibles. C’est aussi le cas des grandes manifestations, qui obligent à geler une partie de la voirie, et à rechercher des solutions alternatives.
Les travaux, voilà une autre forme de perturbation. Surtout quand ils durent, comme les chantiers de tramway, nombreux et appelés, Grenelle oblige, à se multiplier. Pendant des mois et des années, des tranchées et des terrassements vont se succéder, avec des déviations, des embouteillages monstrueux, des secteurs rendus quasiment inaccessibles. Que d’ennuis pour les riverains, pour les commerçants et autres entreprises qui voient fuir leurs clients, et dont les approvisionnements deviennent problématiques. Et puis il faut assurer la sécurité et les services publics, tels que l’enlèvement des ordures ménagères. Il n’y a pas le choix : l’analyse fine des besoins, l’imagination, et les retours d’expérience d’opérations similaires, tout doit être mobilisé pour trouver des solutions. Nouveaux modes de déplacement, de livraison, regroupement de commandes, organisation des horaires de chantier, etc. sont quelques pistes explorées pour répondre à ce besoin. Les pénuries brutales et impréparées constituent une autre cause de recours à des mesures exceptionnelles. Les chocs pétroliers en sont de bonnes illustrations, avec une série de conséquences, certaines administratives telles que l’instauration d’un règlement thermique pour la construction neuve, d’autres financières comme le soutien aux énergies alternatives, d’autres encore commerciales comme la poussée des petits modèles de voiture, économiques à l’usage. L’exception s’installe dans le paysage, et devient la règle, à moins qu’un retour à la situation précédente ne vienne compromettre cette évolution. Dans le cas de l’énergie, les chocs pétroliers nous ont valu un programme nucléaire sans précédent, et les contre chocs une grande désillusion pour tous les professionnels, architectes, fabricants et poseurs d’équipement, ingénieurs thermiciens, qui s’étaient engagés avec fougue dans ce qu’ils pensaient être l’avenir. Ils avaient juste un peu d’avance. Les initiatives de ce genre et les mesures que l’on peut craindre impopulaires sont plus faciles à prendre en situation exceptionnelles, de crise, et il est bien dommage de revenir dessus à la première embellie.
Les situations exceptionnelles nous obligent à sortir de notre routine, elles créent la pression sans laquelle il n’y a pas de progrès. Il n’est pas besoin de les provoquer, elles arrivent toutes seules, et souvent au mauvais moment. Sachons juste en tirer profit, faisons d’une contrainte un atout. La perspicacité et l’opiniâtreté sont deux qualités bien utiles pour exploiter l’exception au profit du développement durable.
Prochaine chronique : Volume, pour donner une suite à Surface (chronique du 15/11/2007)