Compétition

Publié le par Bidou

Le développement durable est un appel à la performance, et ce sera une vraie performance que d'offrir à 9 milliards d'êtres humains des conditions de vie dignes du 21ème siècle. Il ne s'agit pas d'une compétition. Les mots tels que « pôle de compétitivité » cultivent cet amalgame dangereux, où la performance serait assimilée à la compétition, où l'effort serait toujours lié à un combat. Compétition, le mot est redoutable, il signifie lutte, struggle for life, comme dans la vie sauvage, avec en toile de fond l'idée que les uns vont gagner au détriment des autres, et que les vaincus sont éliminés. Vae victis disait Brennus,  le chef gaulois, malheur aux vaincus, c'était 4 siècles avant notre ère.  C'est le contraire de la civilisation, c'est le contraire du développement durable. La performance qui nous est proposée aujourd'hui est toute autre : il s'agit toujours de se dépasser, de faire mieux ensemble, de manière à relever le formidable défi de retrouver un équilibre de fin de révolution industrielle sans devoir payer trop cher. Un prix à la fois humain, économique et environnemental. Les rythmes de croissance que nous connaissons n'ont été possibles que grâce au déstockage massif de ressources, notamment d'énergie, et il faut aujourd'hui, avec une population  démultipliée et des modes de vie autrement plus exigeants que ceux des princes de jadis, faire face à d'énormes niveaux de consommation sans mettre en péril la planète et sa capacité à nous accueillir. Voilà un beau défi, et ce n'est pas la compétition qui nous permettra de le relever mais la convergence de nos efforts. Nous ne pouvons pas nous permettre le luxe de la compétition, avec les gâchis qui en résultent. Il faut trouver d'autres manières de provoquer l'effort et la mobilisation des énergies.

Parlons d'émulation, dans le but de se stimuler mutuellement, de s'entraîner à l'effort, de mesurer son propre niveau de performance. Il s'agit alors d'une sorte de jeu, indispensable pour l'apprentissage dont il est le ressort. L'enjeu n'est pas d'écraser l'autre, mais de progresser ensemble. Il s'agit de se dépasser soi-même, pas d'éliminer l'autre. Transposé en matière sportive, c'est l'escalade et la solidarité de la cordée dans l'effort qui traduit le mieux cette recherche de dépassement. La performance conduit à une victoire commune, pas à celle d'un groupe ou d'un individu sur d'autres. En matière économique, rappelons que les Chinois, qui produisent aujourd'hui ce que nous produisions hier, sont aussi des consommateurs de nos produits actuels, et qu'ils offrent à l'ancien monde un marché qui s'accroît chaque année de quelques dizaines de millions de consommateurs. Concurrents ou partenaires, les deux approches sont complémentaires, et cette dualité ne peut être réduite à une simple et brutale compétition, avec vainqueur et vaincu. Tous les pays qui ont rejoint l'Union européenne ont contribué à sa richesse bien au delà de ce que leur développement a coûté aux pays déjà membres. Nous sommes dans des dynamiques dont la concurrence est un des moteurs, mais avec la finalité d'un développement commun, qui doit être durable.

Le développement durable, c'est l'alternative à la compétition, c'est l'organisation de la complémentarité des efforts, de la valorisation maximum des vertus, des talents et des compétences de chacun. C'est la voie qui est proposée pour relever le défi auquel l'humanité du 21ème siècle est confrontée. L’autre réponse est la loi du plus fort, l'apartheid mondial, qui permet aux plus puissants d'exploiter sans vergogne les ressources qui demeurent accessibles, en se protégeant des plus pauvres. Ce n'est pas le développement durable.

Le spectacle politique auquel nous assistons en France est à ce titre consternant. Il est présenté comme normal que deux projets de société s'affrontent, qu’un choix clair soit ainsi offert aux citoyens. C'est le but même de la campagne électorale. Et quoi, il est normal que 51% des Français imposent leur genre de vie et leur perception de la société aux 49% autres ? Qu'est-ce que cela signifie, au moment où chacun ressent que de profondes réformes sont nécessaires dans la société française ? Personne n'ignore que ces transformations demanderont des efforts, et que l'adhésion du plus grand nombre sera la condition du succès. Quelle adhésion attendre d'une confrontation renforcée par une mise en scène voulue par nos institutions.  Nos échéances politiques sont-elles durables, qui valorisent la compétition, et la domination du vainqueur sur le vaincu, l'exclusion du minoritaire (rappelez-vous la célèbre phrase d'André Laignel, vous avez juridiquement tort, puisque vous êtes politiquement minoritaires). Les défis à relever demandent au contraire que des consensus puissent être établis, que la confiance entre acteurs soit renforcée. Quelles institutions devons-nous adopter pour obtenir ce résultat, la recherche du consensus au lieu de l'affrontement, la conscience qu'il faut consentir des efforts, chacun à sa manière, pour savoir prendre les risques utiles, et les partager. Quel mode d'élection, quelle répartition des pouvoirs pour mobiliser pleinement les énergies, les amener à collaborer ? Les bonnes institutions sont celles qui favorisent l’émergence d’un projet commun, largement partagé, même s’il remet en cause des avantages sectoriels. Ce n’est pas la mise en scène de la confrontation, et de l’exclusion qui en résulte inévitablement. Les tribus gauloises[1] auxquelles on se réfère volontiers pour évoquer nos ancêtres et expliquer un comportement frondeur, n’offrent-elles pas une bonne excuse pour conserver des institutions fondées sur la gestion du conflit, plutôt que sur la recherche d’un consensus ? Un bon thème de réflexion pour la sixième république dont on parle beaucoup, pour qu’elle nous permette d’aller vers un développement durable.

 Prochaine chronique : Intensité



[1] Voir à ce sujet la chronique Identité, du 12 avril 2007

Publié dans developpement-durable

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D
On oppose souvent performance économique, dynamique d’entreprise, à la dynamique écologique et environnementale.Comme si d’un côté il yavait les affreux capitalistes égoïstes, obsédés de technologie, au services du Mal qui saccagent la planète dans la recherche unique du profit et de l’autre, les baba cools écolos, qui planent à 10000, qui ne parlent que d’éthique, de responsabilité, d’avenir de l’humanité. Comme si l’une des dynamiques devait l’emporter sur l’autre dans un combat sans merci. Et c’est vrai que de chaque côté on entend souvent des discours extrêmes, moralisateurs et culpabilisateurs pour les uns (cf. certains militants écolos radicaux..), et d’arrière-garde pour les autres (cf. un certain GW. Bush ..)Il se trouve que j’ai trouvé un endroit ou ces antagonismes apparaissent parfois totalement stériles, vides de sens, inutiles, inefficaces : la production industrielle. Quand vous allez sur une ligne de production et que vous parlez à des opérateurs, des responsables maintenance, méthodes qualité, vous constatez que tous les jours, en permanence ces personnes parlent à peu près le même langage. Certes il y a des tiraillements et des visions caricaturales entre les responsables environnement ("planqués dans leurs bureaux à faire du papier pour répondrent à des normes".. je cite) et les responsables de production ("qui eux au moins amènent du beurre dans les épinards..." je cite aussi). Mais au dela de ces querelles inévitables, il ya un mot sur lequel tout le monde tombe d’accord : "LA CHASSE AUX GASPILLAGES".Gaspillage = vient de gaspilha, mot gaulois (et oui !) qui date de 1347, date à laquelle l’edit de Brunoy décrète qu’il faut cultiver les forêts de façon soutenable ! comme quoi Cocorico, le développement durable vient de France ! Là d’un seul coup je me sens fier d’être français et prêt à chanter la Marseillaise, sortir mon drapeau et pleurer en écoutant Moquet, Jaurès and co...Depuis des années des entreprises bien connues font de la chasse au gaspi leur crédo,et sans le savoir elles impactent favorablement l’environnement . Ces entreprises chassent "les 7 gaspillages" bien connus dans toutes démarches "lean manufacturing", ou kaizen ou d’amélioration continue. Le terme de gaspillage ne doit pas être perçu comme totalement péjoratif, c’est simplement toutes les activités qui n’apportent pas directement de valeur à un produit...1er gaspillage : la surproduction qui génère plus de consommation de matière, qui peut générer plus de déchets, plus d’émissions, plus de risque d’utilisation de produits dangereux2ème gaspillage : les stocks = plus d’emballage, plus de déchets liés à la détérioration possible, plus d’energie liée au l’éclairage, le chauffage ou le refroidissement de la zone de stockage3ème gaspillage : le transport = emissions de CO2, energie, déterioration durant le transport, ..4ème gaspillage : les mouvements = idem que le transport mais c’est pour transporter des pièces d’un endroit à un autre = plus d’espace pour stocker les en-cours, de l’energie ..5ème gaspillage : les défauts de non qualité = utilisation inutile de matière première pour produire des produits defectueux, recyclages nécessaires, espace nécessaire pour rework ou reparation6ème gaspillage : temps d’arrêts machines (pour changement de série, temps improductifs, pannes etc ..) plus de matière première nécessaire, plus d’energie, d’eau, de ressources consommées7ème gaspillage : temps d’attentes (attentes de décision, contrôles et vérifications inutiles) = temps perdu pour les machines qui tournent à vide et qui consomment de l’energie et de l’electricité ...Alors, au lieu de se plaindre que "les-chinois-décidemment-polluent-beaucoup-et-que-ce-n’est vraiment-pas-juste-quelesoccidentaux aient des objectifs plus contraignants qu’eux en terme d’émissions de CO2",Au lieu d’attendre que des technologies miraculeuses qui nous aideront (surement, dans 10 ans...) sans efforts à économiser de l’energie et détruire par miracle les gaz à effets de serre qui sont déjà au dessus de nos têtes,Au lieu d’invectiver en permanence les affreux capitalistes qui se battent pour créer des emplois et les entrepreneurs qui galèrent et se font traiter d’affreux patrons exploiteurs,Au lieu de croire que l’environnement c’est mauvais pour l’économie et réciproquement, ne pourrait on pas essayer, PAR EXEMPLE, de regarder simplement la réalité telle que ces fameux 7 gaspillages dans une usine et chercher des solutions simples et concrètes sur le terrain qui répondent à la fois aux objectifs environnementaux et de performance ? Solutions, et bonnes pratiques qui existent et qui ont été mises en place localement dans de nombreux sites industriels mais qui sont insuffisamment partagées, déployées et communiquées ...Bien sûr, mon raisonnement peut paraître simpliste et limité, mais je suis sûr que nous pouvons appliquer cette approche des 7 gaspillages à d’autres secteurs, d’autres domaines de la vie quotidienne, aux collectivités.
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