Retard

Publié le par Bidou

Vous avez remarqué ? Il y a des gens toujours en retard, et d’autre jamais. Il y a beaucoup de raisons d’être en retard. Au football, il y a des joueurs en retard sur le ballon. C’est qu’ils sont plus lents que leurs adversaires, ou moins réactifs. Il peut aussi y avoir des imprévus, des accidents qui bloquent la circulation ou le métro. Mais on est souvent en retard à un rendez-vous parce que l’on est parti trop tard.

 

Le développement durable s’inscrit dans le temps, comme son nom l’indique sans ambiguïté. Pendant que le temps s’écoule, la situation se dégrade, des ressources disparaissent, des gaz à effet de serre s’envolent, le  nombre de pauvres augmente à la surface de la planète. D ’un autre côté, des conventions internationales sont signées pour lutter contre l’avancée du désert et le réchauffement climatique, pour préserver la biodiversité, des objectifs sont affichés pour le millenium, de plus en plus de citoyens, d’institutions et d’entreprises prennent la mesure des enjeux. La course du développement durable est engagée, et il s’agit de ne pas prendre de retard !

 

Dans la nature, il y des phénomènes brutaux, comme les crues « cévenoles », mais aussi des phénomènes lents, parfois invisibles sans appareillage complexe. On peut prendre l’image de la baignoire qui se remplit goutte à goutte pendant vos vacances, qui finit par déborder, et quand les voisins du dessous s’en aperçoivent, c’est trop tard, les dégâts sont déjà faits. Mais la baignoire, si on revient à temps, on peut la vider rapidement, et bien fermer le robinet. Il en est autrement des eaux qui percolent pendant des années vers les nappes d’eau souterraines. Si ces eaux sont chargées de polluants, il n’y a rien à faire, ces polluants arriveront dans la nappe, et il faudra parfois des dizaines d’années pour que la nappe se renouvelle. On est dans un cycle qui se déroule sur de très longues périodes. Le retard dans le diagnostic, et celui, encore plus grave, dans la mesure de correction, vont se faire sentir longtemps. L’inertie de certains phénomènes naturels ne doit pas inciter au report des décisions, selon le principe « on a bien le temps ! ». Au contraire, il faut faire vite, car on est déjà en retard quand on s’aperçoit de l’existence du problème.

 

Le réchauffement climatique illustre parfaitement cette exigence. Phénomène cumulatif, lent à l’échelle humaine mais extrêmement rapide à l’échelle des temps géologiques, il ne peut être interrompu. Il est aujourd'hui inéluctable. On peut juste en réduire l’importance, et s’organiser pour en supporter les conséquences sans trop de dégâts. Et à long terme, la courbe peut être inversée, au profit des descendants de nos descendants. Un phénomène au long cours, mais où chaque jour compte ! Quel paradoxe, qui nous surprend parfois, et qui n’incite pas à l’action spontanée. Les préoccupations immédiates, bien visibles et portées par des intérêts qui savent se faire entendre, sont quant à elles très pressantes, et ont vite fait de nous mettre en retard pour les problèmes de demain.

 

On a mis du temps à comprendre les mécanismes de l’effet de serre, et on discute encore du niveau de réchauffement qui en résultera, mais le développement durable nous invite aussi à s’organiser pour faire face à l’imprévu. La capacité d’adaptation et la réactivité sont bien placées parmi les vertus « durables ». Là encore, tout retard se paie très cher. L’apparition d’un nouveau virus peut se révéler catastrophique, soit pour la santé humaine comme le montre le développement du SIDA, soit pour telle activité particulière,  comme le phylloxéra pour la vigne ou la maladie des huîtres européennes. Merci à l’Amérique et au Japon d’avoir fourni des pieds de vigne résistants, et des huîtres indifférentes à la maladie. Comme on le voit, les réponses sont avant tout d’ordre scientifique, recherche médicale, connaissance du patrimoine génétique, et aussi d’ordre politique, au sens plein du terme, c'est-à-dire la capacité de la société à mobiliser des ressources, à organiser et prendre financièrement en charge les échanges, les transferts de toutes natures.

 

Pour gagner la course du développement durable, il faut donc voir loin, anticiper, et prendre le plus tôt possible les mesures pour faire face à des phénomènes prévisibles. Ca commence par arrêter de se voiler la face, par regarder les faits et les faire connaître au plus grand nombre. Il faut aussi se donner le maximum de chances de prévoir, avec des organismes de veille, d’observation et d’écoute, avec des échanges scientifiques et de la coopération internationale. Et il faut des capacités de réponse à l’imprévu, des réserves, des réseaux à mobiliser.

 

Ne pas être en retard ne relève pas du hasard, c’est un choix, tout comme le développement durable.

 

Publié dans developpement-durable

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