Marteau

Publié le par Bidou

Marteau

Si  j’avais un marteau… ce serait le bonheur[1] ! Ce n’est qu’une chanson, car le bonheur du marteau serait bien étroit. Un monde d’objet cloués ou cloutés, ce n’est pas ce qu’il y a de plus enthousiasmant, sauf pour ceux, bien sûr, qui n’ont connu que ça. Ceux qui n’ont rien vu d’autre sont prisonniers de la société du marteau. La possession d’un instrument, fut-ce t-il formidable, façonne notre perception du monde, et en donne une image réductrice. Tout ressemble à un clou, pour qui ne possède qu’un marteau[2]. Méfions-nous des instruments que nous maîtrisons bien, que l’on manipule avec plaisir. Ils pourraient bien nous éblouir et nous empêcher de voir le monde tel qu’il est, pour nous conduire à les utiliser systématiquement, qu’ils soient justifiés ou non.

Les outils polyvalents sont sans doute les plus dangereux. Leur facilité d’usage, leur large spectre, les désigne tellement souvent, au détriment d’instruments d’usage plus limité, mais plus précis, plus pointus, mieux adapté à chaque cas d’espèce. Ils sont commodes, mais souvent grossiers et générateurs d’effets secondaires indésirables. Citons juste deux exemples pour illustrer cette observation : la voiture particulière pour se déplacer, et les antibiotiques[3] pour se soigner. L’étendue de leur domaine d’efficacité fait oublier leurs inconvénients, et relègue au second rang d’autres modes de déplacement ou de soin, plus adaptés aux besoins véritables. Un instrument à large spectre est tellement plus commode qu’une batterie d’instruments à vocation étroite, même si chacun de ceux-ci, dans son domaine propre, est bien plus performant que l’instrument généraliste. Tant pis pour l’efficacité, tant pis pour les effets secondaire… Le développement durable est, a contrario, la recherche de la plus grande efficacité, face à un problème donné. Il faut choisir l’outil le mieux adapté à la recherche de la solution.

Ce qui est vrai des outils l’est aussi des démarches, des manières d’aborder une question. La spécialisation, bien utile pour approfondir certaines connaissances, certaines techniques, nous joue aisément des tours, si l’on n’y prend garde. La formule peut se décliner de mille manières : le financier passera tous les projets qui lui sont soumis au filtre de son marteau, l’analyse financière, dont nous savons à quel point elle peut s’avérer réductrice. L’écologiste pur et dur appliquera systématiquement l’empreinte écologique[4] pour évaluer le même projet, et le spécialiste du réchauffement climatique ne jurera que par le bilan carbone. La maîtrise d’un outil dicte souvent la manière de prendre le problème. Le risque est grand, dans ces conditions, de passer à côté d’enjeux majeurs, non détectable avec ses propres instruments, de négliger tout ce qui ne passe pas au tamis de son marteau.

En proposant une approche combinée, où plusieurs préoccupations doivent être croisées, confrontées, le développement durable permet d’éviter le piège de la solution unique[5], dictée par la possession d’un savoir ou d’une technique particulière, que l’on servirait à chaque occasion.

Deux exigences doivent être soulignées dans cette perspective. Tout d’abord une vieille évidence, souvent oubliée : Poser la question avant d’apporter la réponse. C’est l’importance de l’analyse préalable de la question, du diagnostic. Avant de prendre le marteau, voyons s’il s’agit d’un clou, ou bien d’une vis ou de toute autre pièce. Cette première étape permet déjà d’éviter bien des aberrations, et de préparer utilement la suite. Ensuite, la nécessité d’élargir sans cesse la gamme des outils accessibles. Même si l’on estime que sa boite à outil est bien garnie, il faut toujours chercher à la compléter, pour améliorer sa réponse aux problèmes que l’on traire déjà, et pour pouvoir faire face à des situations imprévues dans les meilleurs conditions.

Le marteau, c’est bien c’est peut-être le bonheur, mais il faut aussi savoir sortir des clous.

 Prochaine chronique : Curiosité


[1] Bonheur, chronique du 28/07/2006 et n°5 dans Coup de shampoing sur le développement durable, www.ibispress.com

[2] Abraham Maslow. En VO, If the only tool you have is a hammer, you tend to see every problem as a nail.

[3] Voir à ce sujet la chronique Résistance (24/05/2006 et n°62 dans Coup de shampoing)

[4] Voir la chronique Hectare (28/06/2006 et n°30 dans Coup de shampoing)

[5] Unique (06/12/2007)

 

[1] Abraham Maslow. En VO, If the only tool you have is a hammer, you tend to see every problem as a nail.

[2] Voir à ce sujet la chronique Résistance

[3] Voir la chronique Hecatre



Publié dans developpement-durable

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