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Publié le par Bidou

Accéder aux bienfaits de la richesse plutôt qu’en rechercher la possession : une piste à suivre en ces temps de récession.

 

La récession est à l’ordre du jour. Le PIB français est en baisse et le restera quelque temps. Dans la foulée, le niveau de vie d’érode, le chômage s’accroît. Il y a déjà un certain temps que l’opinion publique a perdu la foi en un progrès[1] indéfini. Demain ne sera pas plus radieux qu’hier, nos enfants vivront moins bien que leurs parents. Voilà un pessimisme qui témoigne d’un retournement profond, unique dans notre histoire récente. Jusqu’alors, toutes les découvertes devaient nous assurer un avenir détaché des préoccupations matérielles, et nous avons sous les yeux le triste spectacle des mal logés, de la pauvreté, avec le succès amer des restaus du cœur et de la banque alimentaire.

Le bonheur[2] n’est assurément pas le fruit naturel de notre économie telle que nous la voyons au quotidien. Nous savions que le prolongement des tendances du passé nous conduit au désastre écologique ; nous voyons aujourd’hui qu’il nous mène aussi à l’impasse économique et sociale. Pas de doute, il va falloir changer, explorer de nouvelles voies, pour une nouvelle forme de croissance. Une croissance de notre bonheur, pas de nos prélèvements de ressources, bien entendu.


Ce constat n’est pas réservé à quelques militants. De plus en plus de milieux d’affaires, et en premier lieu les professionnels de l’Environnement, le partagent : Pour vivre heureux, il va falloir vivre autrement, nous dit, par exemple, Jean-Louis Chaussade, patron de Suez environnement, et il a bien raison
[3]. Oui, mais comment faire pour trouver cet autrement ? Comment être plus heureux, tous les humains que nous sommes et surtout que nous serons prochainement, sans peser plus lourd sur la planète, et même moins ?

Une famille de réponse consiste à mutualiser certains biens. L’important n’est pas de posséder un appareil, une voiture, un paysage, mais d’y avoir accès quand on en a envie. C’est ce que les technos appellent une économie de fonctionnalité. On partage ainsi certains biens sans se priver pour autant. Mieux, ces biens sont pris en charge par des professionnels, qui les entretiennent et les améliorent en continu. Sans souci pour les utilisateurs. Meilleur service, moins cher, et bon pour la planète, la mariée est bien belle.


Les manières de faire sont multiples. Pour les voitures, par exemple, il y a l’auto-partage, mais aussi la simple location
[4], longue durée ou à l’heure, en passant par le taxi qui n’est autre qu’un accès momentané à la voiture avec chauffeur. Pour les nombreux citadins qui ne se servent pas régulièrement d’une voiture, la solution de la voiture partagée les dégage de tous les ennuis liés à la possession, problèmes de stationnement, d’entretien, d’assurance, etc. Ces dispositifs sont bien répandus dans certains pays comme l’Allemagne ou la Suisse, et ils progressent en France. Il n’y a qu’à aller sur Google, auto partage, pour s’en convaincre. Le progrès déterminant est ici celui de l’informatique. Grâce à elle, les réservations sont faciles et immédiates, la gestion des parcs de voitures banalisées est optimisée, le risque d’attente ou d’échec est fortement réduit.


Restons encore un instant dans l’univers de la mobilité et de la voiture : On peut aussi partager les places dans un véhicule, c’est ce que l’on appelle le covoiturage. Une recherche d’une meilleure efficacité dans un usage partagé d’un équipement. Cette fois-ci, il y a toutefois une exigence particulière, celle de vivre ensemble. Ce n’est pas que le véhicule que l’on partage, mais aussi la compagnie. Certains apprécient, d’autres non.


Ce genre de pratique n’est pas nouveau
. Il existe de tous temps, avec des formes adaptées aux contextes. L’exemple des machines à laver partagées dans les immeubles américains est un classique du genre. Dans les campagnes françaises, le fameux café hyper répandu dans chaque hameau, en était une illustration. Il ne s’agissait pas d’un bistro au sens moderne, où l’on passe rapidement pour s’en jeter un, mais d’une pièce collective partagée par une communauté chichement logée. Un lieu de vie commune et d’échanges, annexe de chaque logement individuel. C’est un salon collectif, car aucun n’en a chez soi, un living dirait-on aujourd’hui. La vie était associée à plusieurs lieux, comme celle des italiens de Chicago dont nous parle Edward T. Hall[5], et l’espace de vie ressenti, le chez soi, était beaucoup plus étendu que la cellule étroite du logement. Le sens d’appartenance à la communauté était certainement beaucoup plus fort, avec comme conséquences une solidarité naturelle, mais aussi un contrôle social omniprésent : il fallait vivre comme tout le monde, avec les mêmes valeurs. On a vite fait d’être considéré comme hérétique, pour peu que l’on cherche d’autres voies, que l’on préfère d’autres modes de vie.


Comment partager un cadre de vie, des équipements, des services, sans perdre sa liberté, son originalité ?
Le développement durable ne se fera pas avec un retour au passé, à des modes de vie pesant lourdement sur les consciences et le système de valeur de chacun. Le développement durable n’est pas une religion.

Le soin apporté aux biens communs, aux espaces public et aux lieux de forte fréquentation comme les magasins, ou à des services quotidiens comme les transports et écoles, est une manière de favoriser leur appropriation, clé des politiques de partage. Ajoutons l’écoute des populations concernées, des personnes que l’on souhaite voir se rapprocher pour partager l’usage d’un bien. Quelques recettes bien simples, mais exigeantes et qui ne font qu’amorcer la réflexion sur la contradiction dont il faudra bien sortir, par le haut pour être durable : quelles formes de partage promouvoir, qui assure l’épanouissement de chaque individualité ?

 

 Prochaine chronique, por Noël : Zen.



[1] Progrès, chronique du 02/10/2006

[2] Bonheur (28/07/2006 et n°5 dans Coup de shampoing sur le développement durable, www.ibispress.com )

[3] Suez Environnement magazine n° 01, octobre 2008

[4] Location (07/03/2006 et n°37 dans Coup de shampoing)

[5] Voir la chronique Vécu (27/10/2008)

Publié dans developpement-durable

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