Auto-stop

Publié le par Bidou

Aujourd’hui, on parle beaucoup de covoiturage. Ce mot a été inventé par nos amis Québecquois pour ne pas devoir utiliser le mot américain car-pooling,  version moderne et organisée de notre bon vieil auto-stop. Le principe est de bien remplir une voiture, ce qui ne peut être que favorable pour l’environnement : une consommation à peine supérieure pour un service rendu (le déplacement d’une personne) démultiplié. Bravo, c’est ça la performance, le bon rendement en termes de ressources utilisées pour un usage donné. On peut d’ailleurs la rendre obligatoire, ou la favoriser par des privilèges (tarifs réduits, voies prioritaires) pour réduire ou fluidifier la circulation en cas de forte pollution ou d’encombrements réguliers. Ça met la vitesse[1] de côté, et ça rappelle qu’il ne faut pas se tromper de critère pour apprécier le niveau d’un exploit : le facteur limitant, ce n’est pas toujours le temps qui passe (ce qui orienterait la performance vers la vitesse), mais c’est l’espace disponible de la voirie, la capacité de trafic d’une route, la quantité de produits polluants émis. C’est aussi le porte-monnaie, et sur ce point l’auto-stop est aussi une bonne opération. Bon pour l’environnement, bon pour le porte-monnaie, il reste à vérifier que c’est aussi bon pour le social, et on est pile dans la ligne du développement durable version 3D.

Le social, c’est l’accessibilité au plus grand nombre, c’est la convivialité, et de ces deux points de vue, l’auto-stop est très bien placé. C’est aussi la rencontre avec des inconnus, avec la part d’aventure et d’inquiétude que cela comporte, et aussi la part d’excitation et de curiosité. L’auto-stop se conjugue à toutes les échelles, pour parcourir des milliers de kilomètres, voire faire le tour du monde, ou pour rentrer de plage sur quelques kilomètres. Le développement durable n’était pas d’actualité aux grandes heures de l’auto-stop, quand la voiture était moins répandue qu’aujourd’hui, et pour une fois, la référence au célèbre Monsieur Jourdain, qui faisait du développement durable sans le savoir, s’avère pertinente. L’auto-stop n’a pas attendu le développement durable pour être vertueux. Le développement durable lui donne néanmoins un nouvel élan.

Les voitures sont nombreuses, il y en a même de trop, particulièrement certains jours et sur certains axes. La plupart des ménages, comme on dit à l’INSEE, sont motorisés, la voiture est devenue une prothèse de l’Homme moderne, l’Hommotau pour reprendre l’expression de Bernard Charbonneau[2], et les bonnes raisons de pratiquer l’auto-stop ne sont plus les mêmes. Il y a toujours la convivialité et le plaisir de la rencontre, mais il y a aussi le souci de l’efficacité de notre potentiel de transport. Cette nouvelle utilité a provoqué bien des transformations à la pratique traditionnelle. Elle existe encore bel et bien, et c’est heureux. Au moment de grands départs en vacances, il n’y a qu’à observer les routes à la sortie des grandes villes pour s’en rendre compte. Mais il fallait aller plus loin et la diversifier. Le téléphone et surtout Internet ont ouvert de nouvelles perspectives à l’auto-stop, avec des centrales de mise en relation entre ceux qui offrent des places et ceux qui en demandent. Il est maintenant prévu que les personnes transportées puissent participer aux frais, le voyage est organisé à l’avance, il faut parfois montrer patte blanche, offrir des garanties. Le covoiturage est aussi organisé au quotidien, non plus à l’occasion, pour un voyage, mais chaque jour pour aller au travail. L’auto-stop est ainsi devenu une sorte de prolongement des transports en commun, à base d’une bonne utilisation de moyens particuliers. Avantage de la formule : elle ne demande pas d’investissement de la part de la collectivité, ce n’est qu’une meilleure utilisation des moyens existants. Elle permet aussi de desservir des sites diffus, loin des grands axes, entre voisins. Sa faiblesse est l’incertitude sur les horaires, et même parfois l’assurance que le déplacement aura bien lieu. Les systèmes organisés permettent de faire face à ces inconvénients. Quand le covoiturage est pris en charge au sein d’une entreprise, il apporte le plus souvent quelques avantages, et notamment l’assurance du retour, le soir, en cas d’imprévu ou de défaillance de ceux avec qui on « fait équipe ». Cette garantie, qui prend la forme d’un remboursement de taxi, est déterminante pour déclencher l’adhésion au système. Et elle ne coûte quasiment rien, car il y est très rarement fait appel.

Une des manières simples d’améliorer les performances de notre société, c’est donc l’optimisation dans l’usage des équipements des particuliers. Bien sûr, cette orientation n’est pas exclusive, et participe à un ensemble de solutions où l’imagination et la créativité doivent régner. La question des déplacements de personnes contribue d’un côté à notre liberté, notre qualité de vie, notre enrichissement culturel et matériel, et de l’autre à la pression sur l’environnement et les ressources. Les contradictions sont donc bien au rendez-vous, et il convient de les prendre à bras le corps pour pouvoir en sortir par le haut. Une mobilisation du potentiel des particuliers, pour une mutualisation conviviale de ces moyens est une piste à valoriser, tout comme la gamme de modes de mobilité, du train au vélo, en passant par la voiture particulière, que l’on peut aussi louer ou partager (le concept d’auto partage, bien développé en Suisse et en Allemagne notamment, prend actuellement pied en France), les taxis collectifs, les bus au parcours variable et toutes autres formes de transport à la demande.

Pour l’instant, revenons à l’auto-stop. Bonnes vacances !

Prochaine chronique : Jeu

 



[1] Vitesse, chronique du 16 novembre 2006, n° 80 dans Coup de shampoing sur le développement durable (IbisPress)

[2] Voir la chronique Prothèse, du 17 octobre 2006, n° 59 dans Coup de shampoing …

 

Publié dans developpement-durable

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S
L' "auto-stop", un bon moyen, alors, pour une ville à bas-carbone (www.sd-med.com) ! à noter que le co-voiturage des taxis est d'habitude auto-régulé chez nous...et ça marche, sans trop d'aventures ! Bonnes vacances à vous !
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